vendredi 25 janvier 2013

Le passage du coeur navré


Ça aurait fait un super titre de film. D'ailleurs il n'est pas trop tard, ça peut encore s'envisager, il suffit de trouver un bon scénario autour du titre, et c’est parti (oui je sais, d’habitude, on est plutôt censé faire l’inverse). Mais pour l'instant, il s'agit surtout d'un décor. En réalité, il s'agit d'une rue, ou plutôt d'une ruelle, puisque c'est même la plus étroite de Tours.


 L'entrée de ce passage est située dans la rue Colbert, juste à droite du restaurant japonais "Asya". D’ailleurs, si vous ne savez pas où manger des sushis à Tours, ne vous posez plus la question : c'est ici qu'il faut aller. Et si vous préférez manger d'excellents fromages accompagnés de vins remarquables, vous avez le restaurant "l'Affiné" de l'autre côté du passage (et il faudra que je pense à ne plus écrire d'article quand j'ai faim, parce que j'ai un peu tendance à m'éloigner du sujet).





Mais revenons au passage du coeur navré. Ce nom peut vous paraître des plus charmants, presque une invitation à une promenade romantique en amoureux, mais ne vous y trompez pas: une fois dedans, vous verrez vite que c'est tout sauf romantique...

Oui, car il s'agit en fait du chemin qui était emprunté par les condamnés à mort pour aller rejoindre la place Foire le Roi, où les attendait l'échafaud, ou bien le pilori, selon les goûts (et comme chacun le sait, les coups et les douleurs ne se discutent pas...).




Pour présenter les choses autrement : le Passage du coeur navré est à Tours ce que le Pont des soupirs est à Venise. Rien de moins que ça.

Et alors, dans le genre coupe-gorge moyenâgeux, ça se pose là. Sans être d'un naturel particulièrement inquiet, j'y réfléchirais quand même à deux fois avant de m'y engager tout seul tard dans la nuit, à moins d'être armé comme un porte-avions. Eh oui, pas moyen de changer de trottoir quand la rue ne fait que 50 cm de large. Toute mauvaise rencontre peut alors vite se changer en très mauvaise rencontre...

Mais si vous passez dans le quartier, c’est une curiosité qu’il ne faut pas manquer. Récemment, à l’occasion d’une promenade avec les filles dans le Vieux Tours, j’ai du insister, négocier, et batailler pour leur faire emprunter ce passage et subir mes sombres explications de guide du dimanche après-midi. Je dois tout de même admettre que les filles n'auraient sûrement jamais accepté de me suivre sans la promesse de nous arrêter ensuite au Pub irlandais sur la place Foire le Roi, "The Pale", à quelques dizaines de mètres de la sortie du passage, pour ceux qui y survivent.



Car oui, j'emmène mes princesses traîner au Pub Irlandais, parfaitement. Mais ceci est une autre histoire...






Donc, après avoir réussi à les convaincre de m’accompagner dans ce piège, je leur explique rapidement pourquoi ce passage se nomme ainsi.

Aurore (la seule qui était attentive) demande alors, avec une toute petite voix et l’air dépitée : “Mais alors on va mourir ?
...
...
 D’accord, j’ai du me louper à un moment dans mes explications. Je recommence, plus sur un ton “La Vita è Bella”, en leur montrant pourquoi c’est si amusant de passer par là, et en quoi ça ressemble à un voyage dans les couloirs du temps.






Un des détails curieux, c’est que les maisons ayant légèrement bougé au cours des 600 dernières années, leurs murs se sont rapprochés au point de former aujourd’hui une sorte de toit au dessus du passage, il n'y a plus aucun risque en ce qui concerne les intempéries... Et comme le fait si justement remarquer Gaël dans son blog à lui: “rien n’est droit, tu n’as donc que des excuses à foirer la pose de tes étagères...”.

C’est vrai, il faut en profiter à fond, pour une fois qu’on a une excuse qui tient à peu près la route... (Pour l'article de Gaël dans son blog qui parle de tout, de rien, mais surtout de rien, mais quand même aussi de ce sujet, allez voir ici.)


Pour quelques informations aussi sérieuses qu'inutiles, il faut savoir que la construction du passage, ou venelle si vous parlez comme plus personne aujourd'hui, remonte aux 15ème et 16ème siècles, et que certains de ses éléments sont inscrits aux monuments historiques : les voûtes, façades et toitures (plus d'infos ici)







En seulement quelques minutes, et dans un espace aussi ridiculement restreint, j'ai quand même réussi à perdre les filles une bonne dizaine de fois parce qu'elles s'amusaient à courir dans la longueur du passage pendant que je prenais des photos (vous verrez qu'on ne peut pas courir dans sa largeur, ni même marcher, d'ailleurs). 

A la fin de cette petite visite, j'ai voulu prendre une photo des filles, en leur demandant d'afficher un air navré, pour coller un peu à la thématique (mais là, c'est pareil, je dois tellement lutter à chaque fois que je veux une misérable image, que j'ai vraiment l'impresion de leur soutirer leur âme...).

Résultat : elles n’ont pas l’air navrées, elles ont l’air de vrais clowns. L’une fait semblant de se pendre en rigolant, une autre tire la langue en faisant des gros yeux, et la dernière tente des yeux de chien battu, mais avec un sourire de démon... Il faudra que je pense un jour à leur apprendre la technique des yeux S.P.A., ça pourra grandement leur rendre service plus tard.

A peine le temps de cadrer et déclencher deux ou trois fois, et je suis sommé de ranger immédiatement mon appareil photo, puisqu'au-delà de 8 secondes et demi, toute séance photo devient insoutenable pour elles (je regrette la période où elles étaient encore bébés, et ne pouvaient s’enfuir pour échapper à mes objectifs...).




Les Bonus :

Anecdote n°1, que m’a confiée un collègue extrêmement bien renseigné, et que je remercie au passage pour les précieuses informations qu’il m’a données : pour les faux-monnayeurs, le sort qui leur était réservé était la mise à mort par ébouillantage. Très créatif, non ? Ca change de l'écartèlement ou du supplice de la roue. Et puis en hiver, rien ne vaut un bon bûcher ou une grande marmite d'eau bouillante pour se réconforter lors des petites sorties en famille...


Anecdote n°2 : un jour comme un autre, un condamné survécut à l’ébouillantage (solide, le gaillard). Le bourreau voulut l’achever, mais la foule présente exigeait qu’il soit gracié, car ayant survécu au supplice, il ne pouvait qu’être innocent (chacun sa logique, n’est-ce pas ?). Ce bourreau trop zélé refusant de gracier l’escroc et continuant son office jusqu’au bout, la foule, prise de colère, s’empara du bourreau pour le jeter dans la marmite et l’ébouillanter à son tour, ce à quoi il ne survécut point, ce bougre d’entêté...

Moralité : la conscience professionnelle est une excellente chose, mais il ne faut quand même pas se mettre la rate au court-bouillon. (Je ne vois pas beaucoup où j’aurais pu mieux la placer, celle-là...)

4 commentaires:

  1. hé mais je savais pas que tu avais un blog !

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    1. oui, c'est que je l'ai commencé il y a seulement quelques semaines, et pour l'instant, je travaille surtout à le remplir.
      Plus tard, je l'organiserai (ou pas...)

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  2. Réponses
    1. Merci !
      C'est que j'ai une taupe aux archives départementales, ça aide...

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